Dec 10, 2008

Poemes en Français

L'ÂME

Que faire, mon âme comment la sauvegarder
tellement usée par la méditation ?
Mon corps qui à chaque instant l'a portée -
quel haut monticule de désolation !

Combien de corps n'a-t-elle abandonnés
mon âme infidèle, inconsolable ?
Finira-t-elle son Voyage dernier
dans ma chair délabrée, misérable ?

Je veux connaître tous ses Voyages,
ses auberges, ses éreintements au lit.
Je suis là au bout de quels pèlerinages ?
Quelles réminiscences m'ont amené ici ?

Le jour où elle a habillé mon corps
et s'est incrustée dans mes veines,
cette âme m'a injecté tous les remords
du sort accablant de la race humaine.



LA GRANDE MAISON
(à Elvana)

Un ange bosselé et bègue et veule
me dicte en bredouillant ma direction.
Que sais-je : m'encourage-t-il ou me crie-t-il "Ta gueule"?
Jamais je n'ai aperçu ses vraies dimensions.

Cadencée par l'anxiété du chemin sans relâchement
ma chandelle dégouline entre mes doigts
et sa flamme, comme une langue de serpent
mordille ma foi.

Devant moi la ruelle obscurcie
alternativement apparaît et disparaît.
Mais l'ange bègue me lance avec ironie:
"Brûle, pour mieux regarder!"

Et la ruelle sombre se recouvre de vapeurs...
je glisse et du coup me retrouve hors saison.
Dans l'ombre, pas moi, non : mon flambeau porteur
touche le seuil de la Grande Maison.



ANGES EN CRISE
...Je rentrais de la dernière guerre. Mes mains me démangeaient pour sortir ma charrue et je me précipitai vers la basse-cour. Je poussai la porte et, quand mes yeux s'habituèrent au clair-obscur puant à forte dose la moisissure, la vue devant me moi m'attendrit au point que j'eus la gorge serrée : un amas d'anges éternuaient dans un coin. L'un avait une grosse inflammation des amygdales et n'arrivait pas à déglutir, tandis que l'autre s'essoufflait à retenir dans son gosier les soupirs qui se bousculaient pour remonter à la surface. D'autres anges anémiques eurent à peine la force de me dire que leur compagnon était tragiquement tombé amoureux de l'arc d'une grosse scie édentée sur le mur d'en face, mais la réponse était longue à parvenir. Un troisième ange essayait désespérément de se faire remarquer par des gestes, sans arriver à rien, puisqu'un quatrième ange, qui n'avait pas trop le sens de l'humour, lui enfonçait sa main jusque dans l'oesophage, dès que son compère se mettait à éructer. Et le pauvre n'arrêtait pas d'éructer toutes les deux ou trois minutes. C'était pénible de les voir dans cet état-là, terreux et rouillés par l'humidité, amassés en tas dans un coin, on aurait dit des gerbes de seigle. Je les fis branler avec ma fourche et les mis dehors, au soleil. Ensuite j'enjoignis à ma domestique de leur servir du thé chaud avec des biscuits et voulus m'enquérir, espérant qu'ils reprendraient leurs esprits tant soit peu, de leurs missions désapprises.


* * *

De loin il parvient le battement d'ailes
d'une musique qui met ma nostalgie en transe... tandis
que la nuit étend sa nappe juteuse pour qu'elle sèche
suspendue au sanglot des phares sur la plage.
C'est une invention que le hasard a voulu m'offrir en prime.
Elle parvient d'un autre temps. Excite ma fantaisie
au sujet de l'immortelle radioactivité de l'être que je fus
et me rend avide de réincarnations,
m'invite à me dissoudre en mille inflexions,
à l'instar de cet attirail débitant ses tonalités tortillées.
Ô âmes ensorcelantes ! Vous, l'avant-garde des anges,
par quel pressentiment êtes-vous échouées dans mon impasse ?





L'ORIGINE DE LA PENSÉE

Y a-t-il donc une justification de la pensée ? C'est-à-dire, // y a-t-il quelqu'un (homme ou forme raisonnante) qui puisse la justifier ? // Quand est-elle apparue pour la première fois, qu'était-elle avant l'instant donné la pensée nue, ayant une signification pour tous... ? // La pensée-sentiment, la pensée-idée, la pensée-existence - // celle qui constitue les Vérités Supérieures, celle qui donne la joie ou la peur, celle qui observe, qui surveille, qui guide, qui fait la recherche - // la pensée déclinée en identités, la pensée qui fait mal ? // Comment est-elle apparue ? D'où est-elle venue ? Dans quel but ? De quoi vit-elle ? // Et encore, que seraient les êtres sans la pensée ? Quelle est donc // la flèche perçant l'éther neutre du Néant // pour terminer sa trajectoire droit dans le But ? Et l'arc lui-même, c'est quoi ? Qui le maintient tendu ? Entre le "Quelque chose" // et le "Néant" la trajectoire s'étire ! Dans quel dessein ? // Quelles conditions lui sont profitables ? Quel objectif ? // Comment se réincarnerait-elle s'il n'y avait pas de supports vivants ? // La pensée ne serait-elle pas de l'énergie mûrie et une évolution sur les circonstances, // l'adaptation, la préservation et la transformation de l'équilibre qui en résulte ? // Ne serait-elle pas tout simplement de l'expérience, une synthèse d'expériences, pouvoir ? // Serait-elle dépendance ? Un compromis pour maintenir en vie ces mêmes circonstances ? Non ! Non ! Non ! // Il y a des pensées partout ! La pensée habite ses hôtes ! // N'ont-ils pas tous la même pensée ? La pensée ne meurt-elle pas avec eux ? // C'est-à-dire, la pensée salvatrice, la pensée meurtrière ? // Combien ne meurent-ils pas en emportant leur pensée avec eux ? // Que fait la pensée dans une tombe ? Comment incarnera-t-elle, sans chair, l'incarnation ? // La pensée disparaît-t-elle ? Il apparaît : elle est plus puissante que la biologie ! // La pensée ronge l'âme, elle oblige l'homme à rendre son âme // peu à peu, avant qu'il ne meure... Et il se sentirait comme dans son chez-lui // éternel : mythes, légendes à la carte - indéfectible... // La pensée erre, elle se joue de tout : elle est là où elle n'est pas // et alors vous avez une façon de penser sans pensée, vous êtes perdants au jeu du cache-cache // aussi vous abandonne-t-elle à un moment, comme la femme son mari : c'est le divorce ; // en effet, elle va se faire féconder par quelqu'un d'autre, tandis que tu pètes les plombs ! // Mais il arrive souvent que la pensée ait froid, qu'elle ait peur, qu'elle soit anxieuse - // la pensé est prise de convulsions, elle déteste le corps qui la retient : celles-là on les appelle d'habitude "de mauvaises pensées", // et d'autres pensées se succèdent en se repoussant les unes les autres // jusqu'à ce qu'elles s'éliminent. Souvent la pensée est un loup pour la pensée. // La pensée se reproduit elle-même, comme un vigneron ou un agriculteur reproduisent // de nouvelles variétés sur la base d'anciens sarments. S'élance alors // la pensée subite, secrète, la pensée-centaure // qui relie les extrêmes en se vengeant des règles établies - // la pensée-travestie, la pensée-hermaphrodite, la pensée-aphrodisiaque. // Arrive ensuite la plus périlleuse - la pensée solitaire, la pensée-ascète : si on lui coupe le chemin, tel un scorpion, elle se morfond et se mord elle-même. // ...Voilà comment marche la pensée ! Maintenant elle t'assaille, maintenant elle te déserte. // Vous la suivez docilement. Pourquoi ? Car la pensée est volonté ? // c'est quoi la pensée ? Qui a tendu l'Arc ? À qui est la Flèche ? // En quoi la pensée a-t-elle besoin du langage ? Pourquoi ne lui suffit-il pas // malgré tous les symboles, les analogies, les métaphores, les allégories ? Où se trouve la Vérité ? // Qui se cache derrière l'Arc ? Quelle Nécessité ? // Et s'il n'y avait pas d'Hôte pour porter la pensée // sur des légendes, des mémoires, du papier (comme je le fais), // quel destin aurait-elle eu par rapport à la limite, au progrès, au sursis ? // Et qui serait en mesure de l'éteindre ? Quelle Violence ? // Et moi, simple Hôte, qui grâce à elle peux écrire ces lignes, // qui grâce à elle peux ouvrir une voie au sens hypothétique, // ces maigres questions je ne les pose que grâce au concours de certaines conjonctures de plus-moins vingt degrés Celsius, // autrement grâce à Celui qui se tient derrière l'Arc et qui aurait pu ne lancer pas une seule flèche...



SONNET
Je n'ai que faire de toi, ô question-réponse !
Ô, cueillez, cueillez la rosée du matin !
D'innombrables mûres, de merveilleuses fraises
Refleurissent, mugissent dans ton sang, dans le mien.

Je suis la flèche qui vise les pommes vertes, -
Énergie déchue, malentendu divin.
Ô, cueillez, cueillez la rosée du matin !
Ta moitié - question, ma moitié - réponse.

Tu es de la vieille sauce cuisinée à la peur
Ô, cueillez, cueillez la rosée du matin !
Tes mollets - angoisse suspendue à mon coeur -

Philosophie déchue, malentendu divin :
Et l'ombre et la lumière sont tes grandes soeurs,-
Ô, cueillez, cueillez la rosée du matin !



LÀ, AUX PORTES SKAIES
Les portes de ta civilisation céderont
Aux béliers cachant par-dessous des amoureux...



DES COMPTES PHYSIQUES

Où que j'aille me poursuivent
des ragots emballés au sujet de ton corps. C'est
l'autre qui raconte.
Celui de la table en face.

Il vient de coucher sur sa table ton corps dénudé
qui scintille comme de la chair de Voie Lactée.
L'autre, déjà,
étale de manière linéaire sur sa table
en les comptant un par un
tes grains de beauté alignés à l'infini derrière la virgule du chiffre.

La tasse à café dirigée vers moi fume noir
comme un canon de revolver.



JUSTEMENT
Il m'est impossible de continuer avec toi.

C'est ce que tu m'as dit
C'est ce que l'on m'a dit
C'est ce que je sais moi aussi
Puisque c'est ce que disent
La Raison
La Logique
La Mathématique.

Il t'est impossible de continuer avec moi.

C'est ce que je t'ai dit
C'est ce que l'on t'a dit
C'est ce que tu sais toi aussi
Puisque c'est ce que disent
La Raison
La Logique
La Mathématique.

Mais je ferai mon impossible
Pour toi justement
Puisque justement je te l'ai dit
Puisque justement tu me l'as dit
Puisque justement on me l'a dit
Puisque justement nous le savons nous-mêmes
Puisque justement c'est ce que disent
La Raison
La Logique
La Mathématique...

Puisque justement je t'aime
À tel point que le compte perd son équilibre.

1990


Traduit par Ardian MARASHI

Poemes en Français II



* * *

Tel un serpent dans le seigle sec, siffle
la parole gaspillée. Une rumeur bègue
monte à l’aveuglette là où renifle
la vague symétrie de la vue qui essaye
de toucher à l’obscure origine d’un Dieu qui zézaye.

Moscou, 1998

Orphée

Ta vie, si bien emprisonnée,
Emmitouflée, blottie sans crainte
Dans les pelures d’un oignon,
A sacrifié, ah ! son bulbe
Et ses derniers secrets
Quand le tranchant du couteau a brillé,
Opiniâtre, en hachant menu
Ton tendre cœur engourdi
A cause d’une érudition illusoire.
Les larmes d’Eurydice dans la cuisine
Sont dus
Au seul fait
Que tu es le seul ingrédient lacrymogène
De la salade quotidienne de ta famille.

Moscou, 2001
* * *

Tu te souviens de cet autre ciel vaste et étranger
De la foule des inconnus dans la rue, des autos…
et de la neige oblique qui telle une voilette à pois
couvrait presque bruits, paysages et saisons,
mais avant tout les corps nus, blancs
des filles à l’amour morose.
Que sont-elles devenues ? Qu’en est-il du mystère brûlant
qui se détachait empourpré de leurs lèvres charnues ?
De temps en temps, comme un manège en panne, se figent
des fragments mutilés de paysages, d’intérieurs,
des bouts de phrases, des supplications dans le noir…La vue
se mure sur-le-champ,
comme si l’œil crevait derrière la voilette
à cause de la lumière inhumaine au bout du tunnel…

Vienne, septembre 2005


* * *
Mes journées s’en allaient deux par deux…
Devant et derrière volaient
Les cigognes d’octobre dernier au-dessus du lac.
Le regard plein de toits empourprés, je suis parti
En fendant discret l’air si lourd de nostalgie – Oui,
Les douilles devenaient des pierres sous mes roues
Et des milliers de petites blessures
S’épanouissaient comme ivres
Autour de ma blessure béante.
Seul mon corps en jachère
Crépitait et brûlait comme une poudre féconde
Sans occulter le refoulement des jours cachés.
Ainsi, ô mon sang sucré, une fois
Au sommet des collines surplombant le lac,
Nous n’avons fait qu’un avec la ville. Les cigognes
Dans leur vol empourpré
M’humectaient le regard
Et ma blessure béante
Brillait de mille feux
Au milieu des petites
De fiel et d’or.
O mes jours invariables !
Voici l’irréalisable qui demeure interdit et
Là se déroule une pelote amère faite
Depuis des années – habitant masqué d’au-delà les profondeurs.
Le lac est ébloui par un soleil violet qui se meurt
Dans ses eaux tardives. Et le crépuscule tombe comme un don du ciel.
Le regard s’affaiblit.
Le son se brise dans les oreilles
Et les cigognes
Renouvellent avec affliction
De mortelles images d’une certaine écriture.

Moscou, 1994



Avec des abîmes au milieu
Derrière la colline la plus élevée
se dresse encore plus haut la montagne
Avec un abîme au milieu.
Derrière la plaine la plus vaste
S’étend encore plus large un abîme
Avec un abîme au milieu.
Derrière la montagne et la colline,
La plaine et l’abîme,
C’est toi qui attends, encore plus creux,
Avec un abîme au milieu ;
Derrière la mer et la dépression,
La neige et les colonnes,
La flèche et la cigogne,
Le frémissement et les ruines,
L’alibi et la supposition :

Ton vécu noue dans ta conscience
Les bords opposés avec l’abîme au milieu ;
Ton regard erre et rompt
la trajectoire trahie
Dans l’abîme au milieu.
Le monde visible s’amollit.
Sous les bandelettes
De la pluie le paysage s’offre à ta vue
Avec toi au milieu
Du côté de l’abîme au milieu.

Et Dieu s’affaire entre le feu et l’eau
Sans l’abîme au milieu –
Entre-temps, il a depuis longtemps inventé le temps
Avec le temps au milieu –
Et Il fait en défaisant l’Univers comme une poupée russe
Avec toi dans l’abîme et l’abîme au milieu.

Moscou, juin 2001



Voler avec Dieu
Je lui dis: Je suis fatigué, très fatigué,
lâche-moi, je n’en peux plus, lui dis-je,
je suis fatigué, lâche-moi, enfin,
il ne me lâche pas, ne m’entend pas,
il m’enfonce ses ongles, se colle à moi,
rit et m’enfonce davantage ses ongles
jusqu’à l’os, il me lance, vole, me dit-il,
et moi, à dessein, je vole déjà, lui dis-je, lâche-moi,
je suis fatigué, lui dis-je, lâche-moi enfin, mais Lui
Il ne me lâche pas d’une semelle et je n’en peux plus,
il me fait tourner dans l’air, mais je suis fatigué,
il s’en fiche, rit, vole, me dit-Il,
au-dessus du maquis,
mais je suis fatigué,
je fais un tout dernier effort,
j’ai la gueule tout éraflée,
je m’accroche aux arbrisseaux,
bon, mais ce sera la dernière fois !
Il me dit : Imbécile, mais tu viens de voler,
ça ne fait rien, lui dis-je, je le refais
non, me dit-Il, excuse-moi,
je suis fatigué, laisse-moi,
Il ricane, je n’en peux plus ;
tu m’as crevé,
une seule fois, lui dis-je
je n’en peux plus, me dit-Il, vole
tout seul si tu veux, eh bien !
que le diable t’emporte, mon Dieu,
Tu m’as fait suer, et je ris, Lui, Il me regarde,
mais je ris, Lui , Il me regarde, mais je pouffe de rire,
je n’en peux plus, bon, me dit-Il, vas-y, prends ton élan
et je cours…

Moscou 1997


* * *

Sourdement, à grand-peine bat
Le tic-tac d’une horloge malveillante.
La nuit remue sans bruit et la voilà qui bricole
Une tombe sourde aux dimensions
D’un cri réprimé.
Au-delà de toutes choses il y a la nuit -
Son angoisse diluée dans tes veines -
Le halètement de tes dimensions intérieures.
La nuit est ton corps prêt à s’offrir
Selon un calcul cruel
Jusqu’à ce résidu acide au point du jour.
Le matin tu te sens capable de vaincre
Le zèle à la pithécanthrope des jérémiades
Et malheureusement solidaire
De la fougueuse capacité de ton rire
Ce qui revient à sentir ton âme passer
Comme l’eau d’un verre embué
A travers un gosier sec…

Zaproudnya, juin, 1996


* * *

A cette heure tardive tu te répands comme de l’encre
En cachant tes antennes aveugles : ton âme est une méduse !
Tu la soulèves, mouillée à force d’attendre, avec ses couches pourries de regrets,
Avec ses sombres zones de nostalgies, ses vacillations de toute sorte
Qui t’ayant fait frémir, ont roulé confuses
L’une après l’autre dans son étui.

Débordant de luxure comme un fauve à mille yeux, la mémoire est là:
Tel un air sursaturé de ténèbres croupies sans la moindre étincelle
Prête à se venger,
Tel un ciel qui avale ses oiseaux,
Un mur épais et froid,
Engloutie par la nébuleuse de ses propres mythes.

Tu es une matière dévorée par sa définition. Tu ne peux éviter
Ce dortoir obscur: son contenu s’élargit
En rongeant en toi une autre forme,
Et, sûr de lui-même, apporte à l’avenir un sinistre message…

Plus tu voles haut,
Plus ta chute sera assourdissante.
Tu n’es qu’une caverne qui ne cesse de s’élargir
Avec, en elle, l’architecture de son écroulement.

Moscou, février, 1998

* * *
Tu m’as donné un coup violent mon Seigneur
depuis un temps immémorial Un coup imparable
fatal dont la mémoire rejette l’origine
derrière les contours brumeux de l’existence
Tu m’as porté le coup de grâce mon Seigneur
lourd de tes sombres fureurs Tu m’as mis
K.-O. mon Seigneur avant de me pousser sur le ring Ma conscience
fiévreuse veut connaître alors que le soleil se couche tard
le niveau de la cause et de l’effet pendant
qu’elle traîne ce corps sur son chemin
comme un musée où l’on voit par intervalles endeuillés
les tessons de l’être

Moscou, décembre 1998
* * *

Là-bas, on entend battre de l’aile
une mélodie qui vous fait frémir de nostalgie tandis que
la nuit met à sécher son voile humide
au-dessus des phares malades.

C’est là une créature que le hasard a conçue pour moi.
Elle vient d’une autre époque, excite mon imagination
par l’immortelle irradiation de l’être que je fus
et je deviens avide de me réincarner sans cesse,
mais aussi de me désintégrer de fatigue
Comme cette poignée incommode de sons vibrant dans l’éther.
Ames séduisantes, vous, avant-garde d’anges,
Quel pressentiment vous a attirées dans mon impasse?

* * *

Sinistres coquelicots de la mort… le malheur colle avec nostalgie à ce seuil
sous les pluies cuirassées de novembre. Le toit de cette maison
se cramponne bec et ongles au coteau recouvert de myrtes.
Il respire l’ennui, se perdant parfois dans les élans brumeux
de sa confusion qui surgissent de ses profondeurs pour se dissiper dans le maquis.
Tout autour, le désert avance et l’Essence voit vieillir son Esprit.
Les fondations de cette maison couvent de sinistres pressentiments, tandis que
le front froid des monts en face étend terrible
des linceuls de neige stérile
pour engloutir au fond ce brun champignon géant
qui se dresse avec son sac à dos plein de souffrances.

Moscou, décembre 1998


* * *
Avec ses murs épais,
ses molaires enflées de catacombes
et sa voix enfouie dans du gravier sec…
Avec ses étranges troncs noueux
et sa conscience entremêlée
de tourbe tourmentée,
cette chair est à jamais atrophiée :
elle erre indolente,
indolente elle rêve –
tendue vers son ultime torpeur –
à l’espoir antique qui sait hypnotiser
l’incorrigible souvenir du verbe « être »
à l’imparfait et au présent.

Moscou, décembre 1998



Le temps revient

Le temps revient, qu’on avait remis à plus tard,
Avec ses horizons aplanis dans le crépuscule
Et ses paradis aplatis dans un coin…
Fort de mille raisons contestées, mon Dieu,
Tu as chassé mes créatures de lumière.
Bordées de noir,
Les enveloppes blanches
Ont un timbre scintillant
De sang frais.
Garde-les-moi, Seigneur des condoléances,
Les adresses auxquelles je suis mort. Les larmes
Versées en cachette sont presque séchées.
Grâce à elles l’horreur de la signification
Se trouve à l’ombre d’une dignité sauvage.
Mais les épis d’or mûriront
Et on les battra pour leur poussière
Au son étouffé d’un rêve.
Le pain sera toujours brisé en deux :
C’est là que nous avons été pétris
Triste témoignage
Qui nourrit la chair des nouveau-nés
De verres fêlés dans le sang.



L’épreuve de la terre
Pendant tout l’été, l’année a eu douze mois.
Les oiseaux sont partis…
Le peuplier solitaire et élégiaque
A passé un accord avec l’herbe.
L’homme est alors venu avec sa hache
Et a goûté un peu de son aubier blanc.
Cela dépend de la manière de s’y prendre,
En tout cas, il a eu un peu mal lui-même.
Sauf que l’homme n’est plus.
Ni l’herbe.
Ni le peuplier.
A l’issue de ce match d’extermination,
Le seul gagnant, c’est l’herbe qui pousse sur les tombes.
Les morts se rendent déjà compte
Que ce n’est pas une question d’amour-propre, mais d’existence.
Toutefois ils soupirent et se demandent
Combien le printemps aura de saisons.
Dieu sait ce qu’il en sera de la lumière…
Dieu sait ce qu’il en sera de Dieu…
Et Dieu fait en défaisant.

Les pluies s’étalent calmes, voluptueuses
Pour affirmer glorieusement la négation.

Lourde, lourde est l’épreuve de la terre.

Tirana, 1992


Elégie

L’homme s’approche : silhouette affligée, où as-tu laissé
Tes rêves au galop et tes épées brisées ?
Une ombre ployant sous le fardeau du destin s’approche
Aussi vaste qu’un horizon. L’un après l’autre
S’approchent les regrets voisins aux arômes de pluie
Et de lumière gâchée avec la pellicule.

Les feuilles sanguinolentes sont sacrifiées sur les épaules
Comme des épaulettes de bronze.

O toi qui espères encore tout seul ! Elle se vide,
Notre planète ancienne
Où le sang et la morale ont coulé à flot,
Et le serpent tacheté
Menace de mordre les destins aveugles,
Ton être friable
Tel un épi de pleurs mûr.

Oh, qu’elle soit immolée,
Qu’elle coule comme une larme pour tous

L’aorte bleue de la lune.

Tirana, 1992


Anges en crise
…Je venais de rentrer de la dernière guerre. Ça me démangeait de me mettre à labourer et j’ai donc couru à ma remise.
J’en ai poussé la petite porte et, une fois mes yeux habitués à la pénombre humide qui sentait fort le moisi, j’ai eu comme une boule dans la gorge tellement j’ai été saisi par le spectacle qui s’offrait à moi :
Une bande d’anges éternuaient dans un coin. L’un d’eux avait mal à la gorge et n’arrivait même pas à avaler sa salive, tandis qu’un autre sanglotait sans arrêt.
D’autres, anémiques, ont eu toutes les peines du monde pour me dire à mi-voix qu’un des leurs était tombé tragiquement amoureux de la lame édentée d’une scie accrochée au mur d’en face et dont la réponse se faisait attendre. Ce troisième ange prodiguait force signes désespérés, mais n’arrivait toujours pas à se faire comprendre parce qu’un quatrième ange, l’air de vouloir plaisanter, lui enfonçait la main dans le gosier dès que son compagnon se reprenait à bâiller. Et celui-ci bâillait toutes les deux ou trois minutes. Ça faisait mal de les voir là, pâlots et comme rouillés dans l’air humide, recroquevillés dans leur coin, comme si c’étaient des gerbes de seigle.
J’ai alors pris une fourche et je les ai obligés à sortir. Sous le soleil, j’ai donné l’ordre à ma bonne de leur offrir du thé chaud et des biscuits, et j’ai voulu savoir s’ils avaient l’intention d’accomplir tant soit peu leur mission oubliée.

Tirana, le 01.01.2002

Anges naïfs

Crâne rasé, joufflus et trapus, avec des moustaches de phoque, ils m’entourent et me fixent d’un regard enfantin venu de cieux clairs zébrés de nappes de nuées errantes. Je sens que dans leurs pupilles bleues frémit une sorte d’impatience fugace qui épie même ma respiration haletante. De leurs yeux affligés se lève un vent d’innocence. Ces orphelins gardent chacun dans la main une bêche et semblent n’attendre qu’un geste ou signe pour me tomber dessus. Ils brûlent d’envie de bêcher mon âme. Je leur jette un regard réprobateur et, aussitôt, je les fais douter de leur dieu grâce à la définition suivante :
« Holà ! mes petits ! Votre existence n’est rien qu’un acquis culturel ! »
Les paumes humides de sueur, appuyés sur le manche de leur bêche, ils se regardent les uns les autres d’un air distrait. Ensuite, ils jettent tout autour un regard blanc comme chaux à force de désespoir, et m’observent semblables à des bouddhas qui méditent.
Et notre flirt reprend de plus belle.

Moscou, décembre 1998


Folle envie de pluies filmiques
Folle envie de pluies filmiques
La solitude marche comme une montre
Pour bien parcourir certaines régions vierges
de la chair
Bien que situées à l’étranger
La spirale de l’automne fait de périlleux numéros de cirque
Et les mille pendus pourrissant à l’horizon
Font sonner les cloches à la langue pendante
En attendant la frondaison nouvelle, mon âme,
Elément fidèle,
Sois inviolable dans mon code
Mon organe extérieur!
Il y a en partie
Une possibilité définitive
De compléter le cadre à coups de négatifs
Pour que les créatures privées d’importance
soient heureuses !
La solitude marche comme une montre
Même aux heures sourdes
Elle est sourde aux sous-entendus
Et surtout elle n’a aucune idée précise
Des faits en général
Ni non plus
de l’importance de l’amidon.

Tirana, 1992



Pains ronds de la mémoire

Cuisez, cuisez, pains ronds de la mémoire!
Soldat mobilisé le long de cette ligne musicale, tu glanes, tels des épis mûrs, des soucis lessivés. Béante est la bouche des objets dans la chambre et une personnalité avide s’y débat. Il me semble connaître cette sorte de volupté, la voir même.
Cuisez, cuisez, pains ronds de la mémoire!
Comme un grain de blé, tombe, tombe entre les meules du moulin, toi, bête, plante ou merveille, toi, mon âme, ma petite bête enceinte ! Que la vérité sur toi tombe et fonde aussitôt comme un flocon de neige au soleil ! Quel en sera le triste fruit, une grive ou un merle ? Un mythe ? Un conte ? Et, au lieu de me gratter, j’écris, ô ma petite bête minaudière, je rumine.
Cuisez, cuisez, pains ronds de la mémoire!

Tirana, 2002

Dehors
Tu te lèves chaque matin
Et te dis ne pas savoir où tu as mis tes yeux.
Tu oublies que tu en as oublié un sur le dos
Alors que l’autre a coulé en silence avec l’eau du robinet.
Puis tu te rappelles seulement que tu t’es réveillé
Et que tout n’a été qu’un événement dépourvu de cils
Les conditions sont mûres
Et le respect déferle comme une chute d’eau sur le crâne du passé.
Il te semble que tout le temps
Tu as fauché de la luzerne et
Un doux sacrifice sentant bon la chlorophylle
Laboure tes suppositions géorgiques.
Ton enfance lucide est là,
Bien ordonnée et sans regrets,
Comme toutes les choses utiles, sans lesquelles
Il n’y aurait ni ellipses ni métaphysique
Ni vols ni chutes ni défaites
De bateaux libournais
Sur le corps mou et pratique de l’homme…
L’oubli d’aujourd’hui et celui d’hier
Concordent si bien.

Tirana, 1992

Traduit par Edmond TUPJA

Poemas en Espaniol

De arte poética
(De arte poetica)

Inflamar las primas palabras para dar
tiempo a la idea
De comprimir la libre trayectoria en arco de voluntad
gótica.
Liberar el espacio en impulsos de confusión
estancados
Y las cuerdas de la Inspiración tremen con pathos y afán
heráldico.
Del fundamento con encías tumescentes muros de dolor
emerjan.
Sobre el material vano el ser vivo, aplaste también
el material.
La distancia acorta entre tú y el Señor piedra sobre
piedra,
Y los objetos hipnotiza con fundamento en cuando y
jamás.
Al atardecer la cúpula con lanzas, cuando el pecho del cielo
hienda,
En la catedral que erigiste, prore, no recibirás / despedirás
a nadie
Mas los tardíos vientos otoñales se entenderán
contigo
Se rasgarán los helados mármoles y a plomo caerán
për troll,
Cual huérfana firma y tú derribarán përnën
kapitoll;
Sin acabar el pensamiento postrero, errabunda suspensión
entre los años;
¿Por qué, para quién y para qué, el edificio al expirar
levantaste?

Moscú, 18-XI-2000


***
La lengua es “la celda del ser”.M. Heidegger

Las Verdades Superiores sorben la Hora del oído:
Sacudidoras oleadas sacuden y vapulean
el tímpano; ensordece y se desploma
el hombre cual cerdo espumoso de vísceras laceradas por la lanza.
La Verdad Superior hiere el inexperto Ojo humano
con el fulgor obscureciente de la luz,
y con el hedor del rayo suspende el olfato perezoso.

No estamos aún maduros para ver de la luz y del sonido el otro lado.

La Verdad Superior espera agazapada a lo largo de la senda abismal,
lejos de las plazas populares o los mercados sociales, lejos
de los sentidos embotados por divinidades hueras, e hincada
en tu vientre ansía lengua, hasta el instante en que
las cosas respondan a su Dios que, del mismo modo, es Lengua.

Moscú. Diciembre de 1998


ESTANCIA VIEJA PARA EL AMOR NUEVO
(Stancë e vjetër për dashurinë e re)
–A Elvana–
Cuando nos apacigüemos, al final, sin palabras,
Tú te habrás vuelto en Río, yo me habré vuelto en Viga
Y apenas lograrás, con los labios rozando
En frémitos y astillas separar mi cuerpo...
Mas no derramarás una gota en parte alguna,
Y yo no volveré a ansiar ni vivo ni muerto.

Luego nos bautizarán... Pero tú sin descanso
En la corriente... Serás el Río que porta la Viga:
Al tiempo prometido en cinco océanos;
Enseña seré para las tribus de allá,
Y si no se hallaran nombres gozosos
Tal vez podré llamarte Anna.

Cual tomados de prestado, los años que no regresan
De un invierno al otro en destino se tornan.
Leve y largo el camino nuestro comenzado,
Lo mismo que todo medio que su fin posterga
A la postre nos semejará el confín
Cual si sólo la mitad hayamos recorrido.

Estaré desnudo, tú estarás en cueros,
Los dos soñando valles y crestas
A las leyes del discurrir dejaremos sin zozobra
Ese territorio donde nunca tuvimos enemigos,
Y manos fuertes de otras riberas
Se encontrarán en el lecho seco algún día.
Tirana, 2002


CON LA SIMA EN MEDIO

(Me hone në mes)

Tras la más alta colina,
más alta se agiganta la montaña,
Con una sima en medio.
Tras la planicie más ancha,
más extensa se abre la sima,
Con una sima en medio.
Tras la montaña y la colina,
la planicie y la sima,
Más corroída esperas tú
Con una sima en medio
Del mar y la planicie,
La nieve y las columnas,
La flecha y el pelícano,
La vibración y las ruinas,
La coartada y el recelo:

Tu percepción coagula en consciencia
Los lados opuestos con la sima enmedio;
Tu mirada pasea y quiebra
la trayectoria recompuesta
En la sima de enmedio.
Se desbarata el mundo visible.
Con vendas
De lluvia sucumben la imágenes en ti,
Contigo en medio,
donde la sima de enmedio.

Y el Señor las cosas incita con crestas y agua
Sin la sima enmedio,
Entretanto, con tiempo inventado tiene tiempo
Con tiempo en medio;
Lo hace desarticulando cual matrioska la Totalidad
Contigo en la sima y la sima enmedio.


* * *

(al estilo gego dulce)El huérfano de la aldea ha bajado al saucedal
donde el río corroe las hondas generatrices.

El bochorno le cubre el ojo de sudor
Del aire; cadáver de mortal en la caverna.

Las aguas oscuras escrutan sin cesar
Una vaca muerta que la corriente les lleva.

Una nube de mosquitos se refresca silenciosa
Cual piedra en un pedregal que a llanto mueve.

No quiere alejarse el huérfano de la aldea
de la imagen que a su lado gira y gira...

Demasiado tarde comprende que lo vivo suyo
Es presa del círculo que a cerrarse aspira.
Moscú, 1997


VALENTINA, HEROÍNA(Valentinë-heroinë)
A Svetlana Bogdanova
Cielo. La ciudad ajena entre las lluvias nuevas
ha encendido enfrente las luces.
Nombre. La humedad del crepúsculo toda temblor
Te penetra hasta lo más hondo en la oquedad.

Roja. Te extiendes cual narcótico
En cada gota de sangre en hueso.
Los semáforos parpadean temerosos
Dejando el peligro afuera.

Nombre. Expones tus dimensiones nuevas
Con los límites que jamás pude hollar.
Cielo. En ti alienta el asesino y la presa

Fundidos los dos bajo una valva.
Rojo. Asequible como un narcótico familiar:
En cuanto tú te enfrías, sobreviene la matanza.
Moscú, 14 de febrero de 1998


CONTRAPUNTO

(Kontrapunkt)
Ancorado en esta habitación
Como una tumba navegable que surca la noche
A menudo me siento soltero
Sin ninguna cualidad de más.
¿Y por qué me van a apreciar?
Con una llamada a la conciencia vieja
De su yacimiento emerge un cielo arqueológico.
Relumbran desolados los prados de la infancia.
Del Espíritu puro de Deidades anónimas
Se colmaban los discos victoriosos de las estaciones;
Donde la hoja tocaba a la hoja
Y fenecía.
Se precipitaron los llantos moteados
Empapados de estados de espíritu
Como aguaceros desatados por las ansias.
Mas ¡qué húmedo nos resulta el quebrantamiento!
Es esa una palabra de esa clase de palabras
Como la represión sin talento de los instintos.
Por siempre el escalofrío susurra
En tu cuerpo suave
Con la confusión de las personas.
He sido pasmada energía verbal:
Demasiado dudosa para dudar
De la senescencia de los objetos entre las manos nerviosas,
Del llanto sedoso de la no consumación,
De la geometría restablecida del supuesto Nilo,
De las flechas blancas en la manzana pecaminosa,
Como todas la condiciones dobles para la prueba de Dios.
Los cielos se marchitan entre los campos mustios
Y cúmulos verdes de ilusiones
se pudren bajo la lluvia...

Mas la noche sorbió tierras y tierras...
Negligentes y traicionados
Como mi vigor inútil,
Flotan en la negrura cual trampas
Esqueletos prehistóricos de estanques;
Ballenas con alcores sobre los lomos
Resbalan como en aceite... Y siento
Como, helo, finalmente,
Llegado es el tiempo de la extenuación.
Te atrapa el alma en la luz
Cual avispa exasperada en el cristal.
Y un aullido azul
Estalla y salpica los cristales
De borbotones de tibia sangre.

El apocalipsis bulle en ti
¡Oh tierra desollada de ideas!

Se supo ya por fin...
Que alguien ha de transportarte
Lejos de los puntos emocionales
Donde se proyectan
Arquitecturas estratégicas de efectos.
Pero está dicho:
Fracasa el cálculo
Y cae como la manzana
En exceso madura bajo su propia sombra.
Fuerzas económicas de vientos
Afluyeron con ilírico aliento
Sobre lomas escarpadas de lágrimas.

Sonó el gong del corazón.
Exprimido hasta la destilación por el dolor,
Cayó.

Cual cadena rutilante
Me volatilizó en la oscuridad
El día para ti intacto.

Ea, comenzamos un juego de olvido, de amenaza
Con toma de temperaturas y cantos populares.

¡Me están destrozando, oh Dioses,
las sucesivas inmolaciones!
Mi vagar gira cual brillante cucharilla de te
En el interior de la taza de ocasos:
Mas la miseria es como mis manos
Que no acierto donde posarlas.

¡Éxtasis pegajoso de la noche
Como cabeza golpeada en el seso!
Se torna posible cual ansia de cigarro
La succión de la linfa fragante.

Movimientos misteriosos de astros
Trazan espirales
Según un itinerario laborioso de ajedrez
Hasta llegar al jaque
De la estrella postrera.

Pero soy tan pacífico, maldita sea,
Como el lechón acuchillado a la luz del sol.

Afuera,
La tierra enjalbegada
Gira y chilla
Cual Casandra degollada;
Y yo,
Con el crepúsculo en el cuerpo
Trato de aferrarme al postrer cabello.

Pues el gong del corazón
Suena y suena...

¡Se ofuscan las visiones!
Como el ave ensangrentada
Se me quiebra el libro entre las piernas.
Las rodillas se me doblan
Semejante al navío Beagle
Coseché de tus océanos
La nada.

Se extiende la paz por la cabeza.
Pero no... No el vuelo de una muchedumbre de patos
Que se zambullen con tristeza de aguas en los ojos.

Sí... ¡Sí!
Como un lamento.
Me he quedado solo en este mundo

Pienso que tiempo tengo de pensar que pensar no debo.
Tirana, noviembre de 1993


TRÍPTICO(Triptik)
Como la senda del ángel, estío,
Te veo y tiemblo...
(Jeronim de Rada)1
I
Eso que espera emboscado, que madura en la sospecha
El cerebro no lo acepta, a desvelarle el contorno se niega.
El cerebro cual medusa en sí mismo se repliega,
Retrocede, se ensobina... ¡apiadaos del cerebro!
Dejad que se relaje, dormite, sueñe
¡Y así destruya ese postrer presentimiento,

Su estructura mítica en viscosidad y ocaso!
Cual serafín al sur lo transportara ahora el avión,
Donde el mar con celeste lucidez ultramarina
Cual papel de tornasol doblado en dos
Se bañara en sol, relumbre de marfiles...
Donde gangas de memorias criminales absorben
La última memoria que extrae la daga de su vaina
Para esculpir el futuro con perfiles del cielo.

II
Cual laguna infernal, este aeropuerto bajo la lluvia.
Con cielos deglutidos como bebidas oscuras,
El asfalto relumbra de inerte frialdad;
Cual adargas, gramallas que tarde o temprano
Al vuelo acometerán por oleadas
Los muros de una ciudad virtual.

Así pues, lluvia... Entre la espera y la memoria
Se estremece y medra el presente tríplice
Jamás acaecedero sino en vislumbres
Donde la posibilidad efímera alienta cual gota de rocío.
Hasta el borde del rayo por él se evapore
Y digno es que del espíritu relato quede.

Relato, relato... con hojas, raíces y hierba
Que rastros tiernos de rocío nos dejen huella.

III
¿Acaso límite posee el plazo del horror
Que lagrimea vislumbres en el rostro del niño?
La tragedia concluye y al otro lado del telón
Sabido es, carece de sentido el confín de la tragedia.

Con la punta de los dedos la calamidad golpeó el cristal parece,
Como una vaga nube se estrelló y cayó;
Junto a la pequeña paloma que en su madre se acurruca
Y lacrimosa pregunta: “¿ahora vamos a morir, mamá?”

¿Quién entre vosotros, mortales, podrá decirnos
Si existe límite palpable dentro del pavor?
Las alas del avión cortan como un pastel
La llanura jugosa de Rusia de un extremo al otro...

Este Caronte moderno ya recibió el tributo
por llevarnos al otro lado
Donde Guildenstern y Rosencrantz esperan yertos.

Anapa, 8-VII-2000

LA PRUEBA DE LA TIERRA

(Prova e tokes)
Todo el verano el año ha tenido doce estaciones.
Se fueron los pájaros...
El álamo solitario de las elegías
Con la hierba ha firmado un pacto.
Llegó el hombre con su hacha
E hizo una cata de tul blanca de olmo:
Depende de como lo hiciera, sí,
De cualquier modo, fue con escaso dolor.
Sólo que ya no está el hombre.
Tampoco la hierba.
Tampoco el olmo.
En todo el combate de aniquilación
Sobre la tumba, la más beneficiada es la hierba.
El muerto comprende ahora
Que no es cuestión de honra, mas de existencia.
Suspira por la posterioridad no obstante:
¿Cuantas estaciones tendrá la primavera?
Sólo Dios sabe qué será de la luz...
Sólo Dios sabe qué sera de Dios...
Y es sabido que hace deshaciendo el señor.

Las lluvias caen estancadas, lúbricas
Para afirmar magníficamente la negación.

Dura, dura es la prueba de la tierra.


ALBANIA
(Shqipëria)

Albania es mucho mayor que su tierra,
que el cielo tendido en lo alto sobre ella.
Es un sueño anciano de navío;
Bajel que los abismos besa.

Con las manos sus heridas restañar procura
Mientras cortada en dos mitades se retuerce.
Parte no es de un planeta, mas de una estrella;
Lágrima que al Señor se le vertiera.
1991



LAS REGLAS DEL COLEGIO CATÓLICO DE NIÑAS
(Rregullat e shkollës katolike të vajzave)
Un buen aroma literario flotaba en torno:
Se oía el crujido seco de los ratones royendo galletas;
Mas fue un doloroso invierno
Que encontró desprevenidas
A mis magníficas amantes.
El día entero envejecían en la sala
Salando sus entrañas tiernas
En confidencias de amor. Arrasado quedó
y por siempre olvidado aquel lejano día de abril...
Se extinguía y no tristemente
la eventualidad de mi llegada a la biblioteca.
...También la nieve reventó al fin por todas partes
Con un nuevo morbo cada día.
Despertaban las infelices y se alzaban
Tiempo atrás inmóviles en sus camas.
Estoy hablando de un tiempo más que distante
¿Pero dónde,
Dónde estaba yo en aquel intervalo de crisis
Cuando se tornaban tan penosos
Los sueños de mis amantes?
He aquí pues que la desgracia descargó como granizo:
Clavado en el lecho me encontraron
En el más extraviado hospital militar de la ciudad.
Ya era tarde:
Con leche envenenada en los pechos
Ellas me lo contaron entre arrebatos
...........................................
Y así condenaron mi felicidad futura
Trazando pequeñas cruces
Con sus dedos lívidos en las fichas. Según
Las amantes mías (aunque de pálidas mejillas)
Jamás conseguiría salir del hospital:
Mas el hecho es que salí
Y las encontré gozosas y todas en cinta
Vi sus vientres como sepulturas frescas
De los cuales brotaba un sabroso aroma literario
Y crujía inútilmente
El estrépito consentido de los ratones
Que aún devoraban pingüemente
Galletas secas en los prados.


ORFEO
(Orfeu)
Tu vida, tan perfectamente aprisionada,
Sin titubeos envuelta y prieta
Entre las capas esféricas de una cebolla,
Sacrificó, ah, su propio fundamento
Con los últimos secretos:
Cuando el filo del cuchillo brilló
Punzante, apuñalando
Tu tierno corazón,
Aturdido de ficticias erudiciones.

Las lágrimas de Eurídice en la cocina
Otra causa no tienen
Más que el hecho
De que tú no eres sino un ingrediente lacrimoso
En la asidua ensalada familiar.



DESEO FEBRIL DE LLUVIAS CINEMATOGRÁFICAS

(Dëshirim i ethshëm shirash filmikë)


Deseo febril de lluvias cinematográficas.
La soledad trabaja como un reloj
Para bien practicar toda suerte de vicios virginales
de la carne
Aunque afuera
La espiral del otoño hace osados números
Y por los mil derrumbes lívidos del horizonte
Tañen las campanas lengua afuera.
Hasta en las hojas nuevas te guardo a ti, amor,
–Elemento fiel,
Por más que inviolable en mi código–
Órgano mío externo.
Parcialmente
Existe la posibilidad definitiva
De dar por terminado el cuadro en negativo.
Felices sean las criaturas por la trascendencia
repudiadas.

La soledad trabaja como un reloj;
Incluso en las horas húmedas
Es sorda a los sobrentendidos
Y ante todo no tiene una idea exacta
De los hechos en general,
Ni tampoco acerca del hecho
De lo importante que resulta el almidón.
1992


AFUERA

(Jashtë)

Te levantas por la mañana
Y piensas que no sabes donde has dejado el ojo.
Uno olvidas que lo has dejado en casa
Y el otro ha goteado en silencio del caño.
Luego te das cuenta de que sólo estás despierto
Y todo ha sido un suceso sin pestañeos.
Maduran las condiciones
Y el respeto afluye cual catarata sobre el cráneo ido.
Te parece que siempre
Has estado cosiendo brotes y
Un leve sacrificio cargado de aroma a clorofila
Cultiva tus vislumbres agrícolas.
Infancia lúcida,
Ocurrida con regularidad y sin contrición;
Como todas las cosas provechosas, sin las cuales
No existirían las elipses ni la metafísica,
Los vuelos y las caídas, los extravíos
De las galeras liburnias
En el tronco mojado y práctico del hombre...

El olvido actual con el recuerdo pasado
Qué bellamente engasta.
1992


MIL AÑOS DE SOLEDAD DE LA LETRA KH
(Njëmijë vjet vetmi të shkronjës “kh”)

...Porque el tiempo se concibe con muerte, por eso
Somos su urna, somos el círculo que cierra,
Somos la viruta que flota entre la hoja y el rito
–Visiones efímeras, espuma de mar o nubes
Juguetonas en el cielo, hijos de lo imaginado–
La lágrima que se pierde en el río de Heráclito.

...Porque el tiempo es el ser en presencia y ausencia,
Y la ausencia se origina con la muerte nuestra.
Amanecerá un día y tarde o temprano
La no-presencia veremos todos en el Hallazgo:
Seremos el eje investido de significación
Y el río de Heráclito de nuevo fluente.

... Porque el tiempo retorna siempre a la misma mesa
A rebañar las migas que dejó
Y el día luminoso se cambia en la negra noche,
Y la noche retrocede con fulgores y luna:
Como los versos en anacrusis, torpe,
El tiempo a la misma mesa retorna siempre.

... Porque el tiempo no es por fuerza destrucción
De la esencia del Ser, del espíritu en la Nada.
Su reverso es vivacidad.
La muerte es Oasis y Cristo en la Cruz,
Donde el tiempo descansa, se ensancha y erige
Otros profetas para los objetos y nosotros.

...Porque la muerte es además del Espíritu descanso,
Su limpieza para el nuevo empeño
En el pulso vivo del Ser en el tiempo.
La muerte es la quema de la hoja por la savia;
De esa misma hoja que encuentra de nuevo
La rama verdecida y el Espíritu que calienta .

La muerte es el estado del Ser en sueño,
Curso manchado de tiempo inmóvil,
Es además nudo de tiempo total
Y difícilmente puede ser expresado en lengua.
Pues el tiempo muda además de en Ser,
Como reverso de grafía, en fonema.

¿No será que el tiempo se mueve y detiene en un signo?
“Oh espíritu momificado, tómame o déjame,
O retorna al Principio tú,
Entre paréntesis el Logos sellado con cera,
Al tiempo del caos, al Espíritu de confusión,
O devuelveme al estado consumido de aislamiento”.

Dijo la letra kh y al punto se tornó
Contorno-gastado ante la eternidad
Una noche con lentigos astrales en el rostro;
Y quedó rehén suspensa en la garganta
En el extremo central de la Iliria:
En la laringe del albanés: la catástrofe primera.



TMU-TARRAKAN2

“Y si alguna vez habitó aquí el fantasma,
Abandonó esta casa. La abandonó”.

Josef Brodski
I
El tiempo está aquí descabalado por los vientos oscuros
Y yace destilado en el Mar Negro.
Con gruesos bastones de tormentas ciegas
Sobre caparazones de largo cuello en dunas envueltos:
Despiertan señales en delirios tempranos dormidas
Por penas futuras de hieles pasadas,
Que emigran, como hormigas se sumen y desvanecen
En arenas anónimas donde a sí mismas se pierden

II
Aquí los “antecesores” remedan apologías
Por un pasado que jamás tuvieron.
Tal como el sastre, aunque sin tela,
Compondrá de harapos unas pobres ropas.
De igual modo dan de beber a la historia
Agua robada de manantiales viejos,
Y echa así raíces el nuevo y forzado engaño
Contra la corriente de castradas memorias.

III
Todo lo que dejaron los imperios aquí
Son las ruinas de la ciudad antigua: Gorgypa3.
Pero el tiempo mordió y tendió en los cerebros
Capas de pomada entre vendas y ligaduras.
¡Ah! El Ser cual Larva en su Capullo envuelta
Tiembla en desvarío de alfabetos, delirio y narcosis,
Y si despierta de las cuevas en lo hondo,
Uno mismo-Proteo, escapa a la metamorfosis.

IV
¿Qué puede decirnos aún esta noche de ruidos falaces
que se agita de hojarascas con renuevos de vientos misteriosos?
¿Con el acuario que abisma fauna de astros alcanzados?
¿Con esencias de historia fosilizada entre rehenes?
¿Con cráneos subterráneos yacientes de plañidos?
¿Con la campaña funesta de Svjatosllav envuelta
en Remolinos ciegos? ¿Con la gloria abatida del atamán
Sobre las ruinas invencibles de Tmu-Tarrakan?

V
El hombre, los hombres, la humanidad. De nuevo el pensamiento
Retorna de vacío a las nociones extraviadas.
El pensamiento se infla. Entre las dunas estalla el viento.
El hombre. Los hombres. Toda esta industria
De carne desnuda que por el sol se seca,
Estos frutos oscuros de sangre –multitud–
Son postrera ilusión que se niega a derrumbarse,
(Ilusión, paréntesis, más-menos pervivencia).

VI
Dejamos al mar que gima y bata en la orilla
Con las tripas, las crestas, los ojos de Ifigenia
Que custodian desde este asentamiento griego
La sagrada extensión del inmenso Ponto.
Retornamos a la estepa, donde por la espalda a chorros
Amenaza bañado en sangre el occidente turco.
El ocaso se inflama. Arañas y anzuelos
Se destacan mansas cual trampas en las redes .
Vitjazjevo, julio de 2000


Traducíon de Ramon Sanchez Lizarralde

1. Poeta y dramaturgo del renacimiento nacional albanés.
2. Antiguo principado medieval en la orilla oriental del mar Negro, desparecido y exterminada su población durante la guerra con el zar ruso de Kiev (siglos X-XI), Svjatoslav.
3. Nombre de una antigua colonia griega, y luego romana, a orillas del mar Negro, junto a la actual ciudad rusa de Anapa, que fue capital del despotado del Ponto
.

Miniaturen im Deutsch - Die Wohnung

DIE WOHNUNG

Als wir den halben Flur im Erdgeschoss abgeschritten hatten, wo es nach verfaultem Gemüse stank, blieb der Hausmeister stehen, nahm einen der Schlüssel, mit denen er bis dahin geklimpert hatte, und schloss ohne große Kraftanstrengung die nächstgelegene Tür auf. Er ließ den Schlüssel im Schloss stecken und öffnete die Tür. Nachgiebig und lautlos, als sei sie aus Watte, schwang sie auf. Es gab ein Bett mit verrosteten Sprungfedern und auf dem Boden einen Packen zerfledderter Sportzeitungen, ansonsten war der Raum nackt, gesättigt nur mit abgestandener, feuchter Luft. Die knotigen Hände des Hausmeisters machten sich an dem Flügel des einzigen Fensters zu schaffen, bis er mit einem dumpfen Geräusch aufging. Es klang in etwa, als zöge man einen Strauch Heidekraut aus weichem Torf. Auch die kalten Luftschwaden, die hereinströmten, waren feucht, so dass sie den dicken, wabernden Mief im Raum allenfalls ein klein wenig aufzuwühlen vermochten.
Das Fenster starrte verkniffen nach Osten. Da es weit oben, fast an der Decke angebracht war, befand es sich fast auf gleicher Höhe mit dem Boden draußen, und durch die schmutzige, mit Fliegendreck bedeckte Scheibe musste sich das Licht mühsam hereinquälen, zusätzlich behindert durch einen riesigen Haufen von Alteisen, mammutartigen Lastwagengerippen, verkeilt in die gebrochenen Wirbelsäulen von Kränen und Baggern, dazwischen ein paar Häckselmaschinen mit geblähten, ängstlichen Hälsen, die in die Gegend starrten wie aufgescheuchte Giraffen.
Auf den einheitlich feuchten Wände lag eine kränkliche Schicht schmierigen Schimmels: das Spurenbild erinnerte mancherorts an die Ideographie alpiner Massive auf physikalischen Karten, anderswo hingegen an die graubraune, stellenweise von der Sonne marsianischer Strände verbrannte Haut eines interplanetarischen Wesens.
Ich vermochte eine gewisse emotionale Bewegung nicht zu unterdrücken und tippte mit den Fingerspitzen an die schleimige Wand. Ich nahm wahr, dass die Haut wie das Gewebe menschlicher Epidermis mit einer Art Kontraktion auf die Berührung reagierte. Etwas Klebriges, Lebendiges, Quallenartiges jagte mir einen Schauer über den Leib und veranlasste mich, meinen Finger zurückzuziehen. Dann fiel mein Blick noch auf ein paar dicke Büschel weißfädigen Schimmels, die mich ich an die Achsel- und Brusthaare der erwähnten interplanetarischen Wesen denken ließen.
„Das also ist deine Wohnung“, sagte der Hausmeister und streckte mir seine Pranke hin, um sich mir endlich doch noch vorzustellen. Es war, als habe er mich in sein eigenes trautes Heim aufgenommen. „Du kannst dich mit jeder Sorge an mich wenden“, sprach er. „Ich bin der Hausmeister Vektor. Aber vergiss nicht, das Zimmer zu kehren und zu putzen, sonst gibt es Ärger.“
Daraufhin wischte sich Hausmeister Vektor die verschwitzte Halbglatze mit einem Taschentuch ab. Mir dünkte, dass es nicht vor allem Schweiß war, was er entfernte. Mir jedenfalls klebte kalter Schweiß im Nacken, und ein Brennen trabte über mein Zwerchfell, bevor es heiß die Luftröhre hinaufstieg. Es begann von meinen Schläfen zu tropfen. Ich rieb sie mit dem Ärmel ab. Beim Verlassen des Raumes drehte sich Hausmeister Vektor noch einmal um, schwenkte den Arm in einer alles umfassenden Geste, als gelte es, eine endlose Flucht prächtiger Säle zu präsentieren, und sagte mit einem Seufzer:
„Das Glück hat dich begünstigt! Ich hatte im Sinn, hier meinen Neffen unterzubringen, aber, nun ja, er wurde zu den Soldaten gerufen ... Der Schlüssel steckt in der Tür.“ Dann trat er über die Schwelle.
Ich tappte ihm nach auf den Korridor, eigentlich nur wegen seines Namens, ich wollte mich erkundigen, weshalb man ihn Vektor und nicht Viktor nannte, aber meine Neugier verblasste rasch. Stattdessen fragte ich:
„Und ein Klo, gibt es das hier auf dem Flur?“
„Geradeaus“, sagte er mit einer halben Drehung rückwärts. „Du brauchst nur dem Geruch zu folgen, der führt dich hin.“
Die Worte von Hausmeister Vektor trafen zu, davon konnte ich mich rasch überzeugen: so scharf, so durchdringend war der Gestank, als ich durch die einsame Tür am Ende des Ganges trat, dass mir die Augen zu tränen begannen, Kehlkopf, Gaumen und Nasenhöhlen vom Ammoniak brannten, das von den festen Ausscheidungen freigesetzt wurde, die wie Statuetten tartarisch-mongolischer Krieger in der Wüste Gobi rötlich, terrakottafarben, mulattenbraun, schwarz und grün außerhalb der Kabinen alles bedeckten, während an den Wänden, auf dem Fußboden, auf jeden Fall aber immer außerhalb des für die Verrichtung eigentlich vorgesehenen Ortes, das getrocknet abgelagerte Salz kriterienlosen Pissens, durch das sich Hunderte und Aberhunderte anonymer Nieren Erleichterung verschafft hatten, in großzügigem Ausmaß blassgelb schimmerte.
Mein Harn floß erst zögernd, dann in immer sichererem Strahl und hinterließ eigene Spuren in dieser Arena volkstümlichen Kunstschaffens.


Aus dem albanischen von Joachim Röhm

Gedichte im Deutsch


Photo: Fatjon HOXHA



Albanien

Albanien ist größer als sein Land und Raum
Weil sein Himmel senkrecht ausgepannt ist.
Ein ergrauter auf einem Schiff geträumter Traum –
Eine Yacht die Bodenloses küßt.

Es zuckt und flattert zweigeteilt
Sein Flügel blutige Wunden heilt.
Ein Planet ist es nicht sondern ein Stern –
Eine Träne aus dem Auge des Herrn

1991



Orpheus

Dein Leben – so gut eingesperrt
Angepaßt furchtlos eingewickelt
Mit den runden Schalen einer Zwiebel
Ich opfere, ja opfere, mein Innerstes
Mit den allerletzten Geheimnissen –
Als die Schneide des Messers beharrlich
Blinkte und dabei
Dein zartes Herz zerstückte –
Eingeschüchtert von fiktivem Gelehrsamkeit.

Eurydikes Tränen in der Küche
Haben keine andre Ursache
Außer dem Umstand
Daß du die einzige zu Tränen rührende Zutat
Im banalen Alltagssalat bist.







Vorhut der Engel

* * *

Drüben hört man das Flügelrauschen
einer Musik die dein Fleisch vor Sehnsucht erschauern läßt ... die Nacht
hingegen spannt ihr feuchtes weißes Tuch zum Trocknen
über das Siechtum der Samen am Ufer aus.
Das ist eine Erfindung, vom Zufall extra für mich erdacht.
Kommt aus einer anderen Zeit, reizt meine Vorstellung
mit der unsterblichen Radioaktivität des Seins
und mit ungestillter Gier nach Reinkarnationen –
auch danach, in Mühsal zermalmt zu werden
wie diese ruhelose Handvoll Klänge die den Äther durchzittern.
Ihr Geister der Versuchung – ihr, die Vorhut der Engel,
welche Vorahnung lockte euch in meine Sackgasse?

Dezember 1998


* * *

Diese klebrigen Dämmerbilder die mir im Auge hängen
sind die Schatten einer Zeit die ich nicht ausfüllte: wachsam
warten sie auf mich, spüren meine Materie auf und ätzen sie
mit Zusendungen eines wohlig unbestimmten Kummers.
Es ist vorgekommen daß ich den Kopf wendete
und mich durch den Horizont hindurch ausdehnte
wie ein gespannter Draht erwartungsvoll zitternd: meine Poren durchbohrt
von Klängen einer anderen Zeit; der Atem eines anderen Munds
verdichtet sich in meinem Mund,
füllt mein Zwerchfell mit dem feuchten Keuchen frischer Erde:
mein Fühlen leidet an einem alten Riß. Unschlüssig taumele ich
wanke mit dem Körper vorwärts und mit dem Verstand rückwärts – dort
stöhnt jemand, kaltes Dunkel läßt seine Glieder erstarren. Wer bist du,
in Erinnerungslosigkeit verborgene Stimme? Von welchem Tempel,
welcher Burg, von welchen Meeren kommt der Flugsand geflogen
und steckst du flugs wie ein Speer in meinen blutleeren Eingeweiden?
Und dann, über der schlafnassen Landschaft quietschen und knarren
Angeln einer rostigen Pforte; die Sicht wird frei wo immer, immer
eine Brautkutsche durch Gärten saust
und Blutlachen auf dem Gras zurückläßt
bis der Nebel aufsteigt und sich im Gesträuch versteckt.

Dezember 1998


* * *

Wie ein Schloß in die endlose Nacht sinken
und dabei den Schein der Kerzen hinter schwarzem Glas spüren –
wie ein Schloß zusammenkrachen
und die Sonnen einer vergangenen Zeit rücklings stürzen hören
und dein Traum mittendrin –
wie einer Sonnenblume
wird sein Kopf abgerissen auf ihren strapaziösen Flugbahnen
von West nach Ost
von Ost nach West;
alte Wunden auffrischen
deine Brust zertrümmernd wie Rammböcke
die Türen stumpf vor Nässe und Schimmel –
danach
aufstehen wie Kostandin
wieder Rauch und Staub
abschütteln
Steine und Spinnen
versteinerte Vögel und in Blut gelöschten Kalk –
also
aus Ruinen auferstehen
aus dem Gemetzel der zersplitterten Zeit
und wieder von Grund auf anfangen – bis zu den Zinnen
mit der gleichen zerstörerischen Vollendung von Schmerzen im Leib
mit der gleichen Sonnenfieber
mit dem gleichen alten Feuer das die Adern durchströmt
und, das Wichtigste, zu guter Letzt
mit dem gleichen quälend beschmutzten Lied
in der Blutsuppe deines Mundes.

Moskau 1998




* * *

Du erhobst dich eines astral-reinen Morgens
wie durch ein Leintuch geseiht
als das eiskalte Wasser der Erinnerung deine Knochen aufblähte
sie vom Schmutz reinigte den die Zeiten im Hirn angeschwemmt hatten.
Traurig diese tausendjährigen Wesenheiten, vergraben in deinem Mark:
Unselig vegetierten sie dahin und schleppten deine Existenz
durch Sackgassen. Du öffnest die Lider und nimmst wahr
wie unter den unsichtbaren Haspeln des Windes
ein Zweig gelber Quitten Kadaverschnauzen ans Fenster quetscht
und den bösen Zauber weghaucht ... Du spürst:
Zerbrechliche Freunde rufen dich, aufzustehen, auf Zehenspitzen, unhörbar;
den Blick in die Ferne zu richten ohne die Seemembran
des blauen Himmels zu verletzen, doch zu beben
im schlafgesättigten Körper.
In deiner morgendlichen Gestalt
knospen geheimnisumflorte Triebe und zartes Geraschel, eine Anwandlung
von Schwärmerei verschlägt dir den Atem, schickt ihn fort mit der Spirale
die sich zur verewigenden Netzhaut des Großen Auges windet.
Inmitten des Gartens,
in Gräsern und Blättern, weht der Wind der dem Herrn vorangeht.

Moskau 1998



* * *

”After the leaves have fallen, we return
To a plain sense of things”
Wallace Stevens


Verharschter Märzschnee schrumpft
und schwindet im Morgengrauen. Jetzt
zeigt die wurmstichige Nacht der Erinnerungen
ihr finsteres Hirn –
unverhüllt blättert sie ihr Angesicht hin
wie am ersten Schöpfungstag.
Du ängstigst dich das Offene Feld zu betreten
auf dem die wellige Aorta aus Plasma die Brust der Erde durchzieht.
Eine Ahnung flüstert dir zu entzieh dich der Alchemie des Unterirdischen:
neue Alphabete
andere Zivilisationen
neue Verschwörungen
brauen sich dort zusammen –
und todmüde Bäume
raunen, mit dem Finger vor den Lippen,
zwischen zusammengepreßten Zähnen das Geheimnis:
"Morgen stehst du auf, verraten und verkauft,
ein Fremder inmitten einer Population die
eine andere Zukunft ersehnt, eine andere Hoffnung.
Und Schwung verbreiten dann unaufhaltsam
Kräuter, Regen, Flügel –
Polypen der Luft – Vögel
landen dann in Schwarm und Scharen im Feld.
Wehe!
Ihre Wirklichkeiten werden dich entmachten.
In trügerischem Argwohn wirst du überall umherirren
als Person mit traumverschlossenen Grenzen:
ein Gespenst,
ein Gespensterschatten der unbehauste Straßen entlanggleitet –
ein verweigerter Bezugspunkt. Zeichen.
Zeichen des Zeichens ohne Bezeichnendes
oder einfach gesagt
ein äußeres Organ,
dazu verurteilt, erlebnislos
einen anderen Zeitfluß in anderen Existenzen zu betrachten."






* * *

Drüben, im Dorf über morschen Häusern abgeblätterten Stolzes
der gleiche Wahnwitz. Bauern treiben Maulesel an
sie singen vor sich hin, die Augen verlieren sich in aschgrauer Schwebe
auf die Weide getrieben träumen sie Wärme die sie einst träumten
lediglich eine wirre Begierde erhebt sich aus der Tiefe
und schlägt mit den Flügeln wie ein blinder Vogel an kalten Höhlenwänden.
Überall ein Verborgenes zu spüren: ein Tropfen aus Blut
und Lymphe sinkt heimlich ins Innerste. Dort, tief unten,
geht seit Tausenden von Jahren der Große Geist einer Neuen Wesentlichkeit der Vollendung entgegen.
Novembereinbruch. Über morschen Häusern abgeblätterten Stolzes
der gleiche Wahnwitz: Materie schrumpft, Kanten kräuseln sich, den Hügel gegenüber schlägt der Rauchfetzen des Himmels wie den Buckel des alten Barden
mit schaurigen Regenhexametern.

Dezember 1998



* * *

Schwarzer Mohn des Todes ... Totenklage schmiegt sich wehmütig an die Schwelle in prasselndem Novemberregen. Das Heim dieses Herdes
ist wie mit Fingernägeln in den myrtenreichen Abhang gebohrt.
Es atmet Verdruß, verliert sich ab und zu in den dunstigen Wellen
seiner Verwirrtheit die aus der Tiefe aufsteigen und im Gebüsch verebben.
Am Rand naht jetzt Verlassenheit und der Geist der Essenz beginnt zu altern.
Die Fundamente dieser Heimstatt wimmeln vor finsteren Ahnungen während
die kalte Stirn der Berge gegenüber weiße Leichentücher steriler Schneefelder schrecklich umkrempelt
um schließlich diesen braunen Pilz mit dem Schirm des Leidens auf dem Rücken
hinunterzuschlucken.

Moskau 1998










* * *

Dickwandig
mit Weisheitszähnen die in Katakomben anschwollen
und einer in trockenem Sand begrabenen Stimme ...
Mit knorrigen verknorzten Rümpfen
und einem Bewußtsein
das in stickigem Morastmoor steckt –
ist dieses Fleisch auf immer und ewig entmuskelt:
faul bewegt es sich
faul träumt es,
hingeneigt zur letzten Entmutigung –
jener uralten Hoffnung – die es vermag
das unverbesserliche Gedächtnis der Verben
”Ich war” und ”Ich bin”
zu hypnotisieren.

1998




Nachtstück

Die dunkelblauen Flanken der Hügel leuchten
Im Licht elegischer Strahlen, gefiltert in Gold

Feuerreiter perlenbestückt entflechten
Mähnen, zerzausen grüne Pferdemähnen

In welche Schlacht werden stattlich sie sich stürzen
Welch Blutvergießen ist meinen Rittern hold?

Um sie vergieß ich rubinrote Tränen
Verlassne dunkelblaue Pferde scheuen



Elegie

Da kommt ein Mensch: traurige Gestalt, wo hast du
Den Trab der Träume und die Schwertscharten gelassen?
Da kommt ein Schatten, überschwemmt von der Bürde des Schicksals
Mit Dimensionen von Horizonten. Eins ums andere
Nahen benachbartes Bedauern mit Gerüchen von Regen
Und im Film verbranntem Licht.

Blutfleckige Blätter opfern sich auf Schultern
Wie bronzene Epauletten.

Du wie kaum jemand der Hoffnung Zugeneigter! Es verödet
Unser ehrwürdig alter Planet
Mit wuchtigen Wellen von Blut und Moral,
Und die gesprenkelte alte Schlange
Liegt drohend auf blindem Schicksal
Auf deinem zerbröckelnden Sein –
Eine gereifte Tränenähre.

Als Opfer dargebracht,
Geopfert werde heut abend in der Klage um alle
Die blaue Aorta des Mondes.


Aus dem Albanischen übersetzt von Hans-Joachim Lanksch
© Agron Tufa
© Übersetzung: Hans-Joachim Lanksch